Samy Atmani (17 à 30 ans)

Vaudreuil-Dorion

Pour Vaudreuil-Soulanges, j’aimerais :

Je me souviens. Je me souviens comme si c’était hier.

Un beau dimanche prévernal, tout juste à l’heure des complies, je serpentais les sentiers à peine enneigés des sommets rigaudiens. Pris d’un excès de mélancolie, je m’affalai contre un mélèze majestueux tandis que mon esprit louvoyait.

Au loin, de vieux pékans habillés d’une fourrure lustrée et endimanchée m’observaient comme des chiens de faïence, à l’affût de mes moindres mouvements, portant dans leur regard l’hostilité des hérauts du mauvais augure.

Malgré la peur, dans cet esprit lugubre, je rêvassais, pensais à l’au-delà comme si l’ici-bas n’existait pas, comme si les bruits menaçants s’effaçaient ; une peur d’enfant qui partait sans l’étreinte de sa mère.

Je contemplais l’aventure.

En un coup d’alizé, je chevauchais les tigres des neiges en Sibérie, parcourais les arcs-en-ciel à dos de zèbre rouge. Je traversais les époques les plus nobles et les plus funestes, des gigantomachies aux siècles d’or. Je combattais les cyclopes, cueillais des roses empourprées pour mes dulcinées, composais des mélodies perçant la surdité, surplombais le Sahara comme un fakir sur un tapis volant. Que la vie y était grandiose !

Tic-Tac.

Ma montre retentit. En un instant, toutes ces sombres beautés diaphanes s’étaient étiolées. Ah ! Où es-tu parti, cher bonheur ?

La nuit coulait, et moi, prisonnier de cette sylve lugubre, me réveillais à peine.

Devant moi se tenait, le dos droit et fier, un vieux pékan. Étrangement, son regard ne m’apparut plus aussi étranger, aussi menaçant. Je n’y voyais plus le néant, mais un secret ô combien précieux.

Il était donc là le bonheur, ce petit bonheur. Ces orchestres suaves d’autours des palombes, ces rivières romantiques, ces exhalaisons des festins réconfortants. Ce sont tous ces trésors qui nous tiennent soudés, bien loin des nécropoles. Le voyage est ici, dans la paume de ma main ; et parti à l’aventure, lorsque je chercherai mon chez-moi, je le tiendrai d’un seul et même tenant. Mon espoir devint une espérance.

Ah ! Vaudreuil-Soulanges, que vous êtes si beau pour moi. Que puis-je donc être pour vous, dites- moi ?