Les Cèdres
J’inspire. J’expire.
J’aimerais que le temps s’arrête. Mettre sur pause le rythme frénétique
de l’activité qui m’entoure et me bourdonne à l’oreille. J’aimerais prendre le temps, dans un instant qui s’étire à ma guise, pour observer tous les détails de ce territoire qui m’a prise dans ses bras et bercée dès l’enfance. J’aimerais m’étendre aux abords d’un de ses trois lacs dans un temps suspendu pour y noter les différentes subtilités qu’offrent ses variations. J’aimerais traverser les parcs de chacune de ses municipalités et applaudir l’effervescence de l’animation estivale. J’aimerais me laisser emporter au son de la musique de chaque ensemble, encourager toute équipe sportive. J’aimerais m’attarder jusqu’au plus petit de ses organismes communautaires. J’aimerais accueillir celles et ceux qui ont fait le choix de cette terre d’accueil. J’aimerais partager une discussion, un sourire, tout au plus, avec vous.
Mais le temps me file entre les doigts. Je perds le contrôle. Je ferme les yeux, alors.
J’inspire. J’expire.
J’aimerais retourner les aiguilles du temps de ma région. Au cœur d’un élan nostalgique d’une période qui ne m’appartient pas, j’aimerais parcourir ces grands espaces naturels encore libres de ces chaines qui n’ont rien des montagnes; j’aimerais respirer l’île aux Tourtes avec ce groupe autochtone; observer les navires défilés sur le canal; discuter avec Léonise Valois de poésie; écouter Félix gratter sa guitare dont les accords s’enfoncent dans la Baie; assister au grandiose spectacle de Gaby au cœur même des Cèdres; couper la banderole à l’inauguration de la première polyvalente du Québec; arrêter cet autobus avant l’impact fatal.
J’inspire.
Je m’étouffe. J’inspire.
J’expire.
J’aimerais avancer le temps. Voir ce que Vaudreuil-Soulanges sera demain. Ce que mes enfants, les vôtres, les nôtres, feront de ces espaces qu’on leur lègue, mais qui ne nous appartiennent pas réellement. Prendre som, inclure, préserver, offrir, redonner, diversifier, rassembler, vivre.
J’ouvre les yeux.
J’inspire.
J’expire.
J’aimerais être nulle part ailleurs que chez nous. Maintenant.