Les Coteaux
L’esprit du mont Rigaud
Chaque été, mon père et moi gravissons les sentiers du mont Rigaud. C’est notre tradition, un moment à nous, loin du bruit de la ville. Dès que l’air se charge de l’odeur de la forêt et que le chant des oiseaux emplit le silence, je me sens chez moi. Mais mon moment préféré, c’est quand nous arrivons au fameux « champ de patates ».
Je me souviens de la première fois où mon père m’a raconté la légende. J’avais six ans, et il s’était agenouillé près d’une des grosses pierres rondes.
- Tu vois ces rochers ? Ils n’ont pas toujours été là. Autrefois, c’était un champ de pommes de terre, entretenu par Maëlys la Sage.
Maëlys, une femme en harmonie avec la montagne, cultivait un champ fertile. Jaloux de ses récoltes, des fermiers voulurent lui voler son secret. Déçue par leur cupidité, elle murmura une prière à la montagne, transformant ses pommes de terre en pierres. Depuis, dit-on, elle veille sur ce lieu et protège ceux qui le respectent.
À six ans, cette histoire m’avait donné des frissons. J’avais cherché une ombre entre les arbres, un murmure dans le vent. Mais mon père avait souri.
- Ne t’inquiète pas, Maëlys n’a jamais fait de mal à personne. Elle fait partie de cette montagne.
Les années ont passé, et chaque été, nous sommes revenus ici. À mesure que je grandissais, le mont Rigaud est devenu un lieu de réconfort. Aujourd’hui, je n’écoute plus cette histoire comme un simple conte. Je ressens Maëlys parfois cachée derrière un arbre ou dans un coup de vent emportant les feuilles…
Ici, nous sommes une communauté, unis par notre amour pour cette montagne, pour ses légendes et pour la nature qui nous entoure.
Et quand de nouveaux visiteurs s’aventurent sur nos sentiers, je me retrouve à mon tour à leur transmettre l’histoire de Maëlys, tout comme mon père me l’a raconté autrefois.
Parce qu’en partageant notre histoire, nous partageons un peu de nous-mêmes.
Qui sait ? Peut-être qu’un jour, eux aussi entendront le souffle discret de la montagne et comprendront la fierté qui nous habite

