Les Coteaux
La clé dorée
À l’été de mes 12 ans, l’été 1991, il s’est passé des trucs inimaginables : mes cheveux, qui à l’ordinaire étaient très lisses, se sont mis à friser, mes règles ont commencé, l’école primaire était terminée, il y avait le beau Benjamin Tremblay et cet après-midi où on a trouvé cette fameuse clé dorée !
Mon amie Erica et moi étions ensemble ce jour-là. Il faisait très chaud et nous nous sommes baignées à la piscine municipale, entre l’école Saint-Michel et Sainte-Madeleine. On est aussi arrêtées se chercher des bonbons gratuits dans l’entrée du Roger Léger, puis nous avons décidé d’aller marcher le long de la voie ferrée. C’est au bout de cinq minutes de marche qu’on a trouvé cette boîte étrange, à moitié déterrée, près du rail. Le verrou étant abîmé, il nous a été facile d’ouvrir le couvercle. À l’intérieur, une belle petite clé dorée avec un symbole qui ressemblait à une petite porte.
Intriguées, on se demandait à quoi elle pouvait bien servir ! Erica, qui est de nature très perspicace, me dit que c’est probablement juste la clé qui sert à ouvrir la boîte. Elle a donc placé la clé dans la serrure abîmée et a tourné un coup vers la droite. Voilà ! « La boîte est verrouillée », me dit-elle ! C’est seulement lorsqu’on a levé les yeux qu’on s’est rendu compte que nous n’étions plus dans le champ, mais assises devant la maison Valois ! On l’a reconnue immédiatement à ses volets jaunes ! Stupéfaites est un mot très faible pour décrire la confusion et l’excitation dans laquelle on se trouvait. Comment était-ce possible !!! Erica me dit qu’en tournant la clé, elle avait pensé en même temps que ce serait une bonne idée de se diriger vers le parc Valois, car à cette heure, les amis y sont d’habitude. On a alors compris rapidement le pouvoir de cette clé et on a refait un test ! À mon tour, j’ai tourné la clé avec une pensée précise et… boom, nous étions devant une bonne poutine du restaurant 20/100 ! Erica ne cessait de rire en me disant que j’étais une personne sans surprise !! Mais quoi, j’ai toujours un petit creux et c’était la meilleure poutine de tout Vaudreuil après tout !
Inutile de vous dire que cette fameuse clé nous a servi plus d’une fois ! Pour se rendre l’une chez l’autre sans vélo en moins de deux, arriver à l’heure aux cours de la Cité-des-Jeunes à l’époque du secondaire ou bien pour se rendre à la danse 14/18 des Chevaliers de Colomb sans permission des parents ! Un jour, Michel, le père d’Erica, nous a dit qu’il avait fait un tri dans les choses du sous-sol et, à notre grande déception, nous n’avons jamais retrouvé ni la boîte ni la clé ! Le temps a passé, on a grandi, et j’ai fini par presque oublier cette histoire, devenue comme une espèce de légende de jeunesse à laquelle je ne croyais plus en étant devenue adulte.
Je suis là aujourd’hui, dans ma pause du dîner, à siroter une bonne Pale Ale sur la terrasse du Dukes and Divine quand, subitement, toujours aussi espiègle qu’à l’époque, m’apparaît une Erica surexcitée qui me dit : DEVINE CE QUE JE VIENS DE TROUVER !

