Aristides Novoa (+19)

Vaudreuil-Dorion

Le froid ridé résiste, il refuse de larguer ses voiles; la rivière déborde encore une fois ; les chants merveilleux des petits oiseaux s’amalgament aux cris enchantés des outardes qui traversent les ciels en harmonieuse double file, à l’aube d’un printemps encore timide. 

Je reviens vers mes lectures fantastiques, attiré par une curiosité littéraire et un besoin de fictions d’auteurs hispanophones, et quelques lectures sociologiques – une habitude que j’avais acquise et que je n’avais pas abandonnée depuis que je me suis consacré, avec un certain espoir de succès, dans le monde fascinant des sciences sociales qui, plus tôt que tard, resterait inachevée ; un jour, je le promet, je le dis comme pour me consoler, je reviendrai sur la route de cet univers aussi rationnel que fantastique ;  mais une chose est sûre et certaine : cet abandon a quelque chose à voir avec ce qui s’est passé autrefois, quand j’avais dépassé l’âge de raison, à Lima, capitale du Pérou, au début des années 80, dans le domaine de la psychologie, d’une façon plutôt distraite, immature et chargée de besoins (et de nuits sans fin, de jouissances excessives, d’herbes interdites, d’amours brisées et de certaines mauvaises décisions).

Mes écrivains préférés, c’est-à-dire, ceux que j’aime le plus, sont sans doute mon concitoyen péruvien Mario Vargas Llosa, récemment nommé par l’Académie française comme l’un de leurs membres immortels, l’héritier intellectuel de la rationalité sartrienne, de l’art immense de Faulkner, de la perfectibilité flaubertienne, du pragmatisme libéral et du bon sens d’Isaiah Berlin, le déicide, puis Gabriel García Marquez, Gabo, le génie, le poète, le roi de l’harmonie et de l’enchantement, le seigneur et maître des élucubrations hyperboliques, le créateur du réalisme magique, de colonels qui n’ont personne à qui écrire, de mamans immenses, de dames décidées à aller jusqu’au ciel emportant leurs sacoches, et des prostituées tristes et pourquoi pas heureuses; un caraïbe timide brillant de phrases enflammées et hors du commun qui avait hypnotisé le monde avec ses fantaisies; celui qui raconte des histoires qu’il a lui-même vécues pour être aimé par toutes et tous.

Cependant, j’essaie d’élargir mon champs littéraire en me rapprochant d’auteurs hispanophones que je ne connaissais que par ouï-dire : Alejo Carpentier, Octavio Paz, Juan Rulfo, Jorge Luis Borges, José Donoso, Julio Cortazar, et d’autres, qui, comme Vargas Llosa et García Marquez, à juste titre, ont forgé un nouveau style littéraire, celui de la réalité fantastique, du réel merveilleux, du réalisme magique, en rendant universelle la littérature latino-américaine que les connaisseurs, pour toutes les raisons explicables et rationnelles qui soient, y compris commerciales, ont surnommé le « boom latino-américain », dans la seconde moitié du siècle dernier. Deux décennies plus tard, au milieu d’une énorme production littéraire et d’une amitié de fer sans limites, ce boom s’est évanouit pour des raisons plus politiques (le rejet retentissant mené par MVLL à cause des outrages et des atteintes colossales aux libertés individuelles, qui d’ailleurs n’ont jamais cessé à ce jour à Cuba et à sa révolution fictive perturbée par une dictature brutale et sanglante à laquelle tous ou presque tous les écrivains latino-américains et du monde entier, progressistes, de gauche et de toutes les couleurs politiques, soutenaient jusqu’alors avec une passion démesurée), que littéraires.

La saison de toutes les couleurs doit revenir à la normale; le froid s’en ira bientôt; l’Outaouais reviendra à sa cause.