Lisa Carducci (+19)

L’Île-Perrot

VIVRE DANS VAUDREUIL-SOULANGES

Feuilles mordorées d’automne, anges de plume de mes rêves…

C’est grâce à Félix Leclerc que, encore adolescente (0h! il y a de cela des lustres!), je suis devenue amoureuse de Vaudreuil.

Lors de la visite du poète-conteur-Félix à notre école, avec sa guitare, ses bottes, sa chemise aux manches roulées, et ses chansons et récits, je lui avais remis un conte de Noël, en vers, de ma plume. Je l’avais préparé d’avance, sans savoir si j’aurais le « courage » de le lui offrir. Enfin, tremblante, je m’étais approchée, à la fin de la séance, du poète qui venait tout juste de déposer sa guitare pour se préparer au départ.

Quelques jours plus tard, en rentrant de l’école, j’avais trouvé une lettre manuscrite. Sur l’enveloppe, un timbre de 4 cents, mauve, à l’effigie de la reine Elisabeth encore jeune.

Avec précaution j’avais sorti la feuille pliée en deux, puis en trois :

                          Pour une demoiselle de 14 ans, vous avez écrit un bien

                 Joli Noël, et je vous encourage à continuer — Ce grand

                Canada qui passe et demande à être chanté.

                  Merci de votre belle lettre.

                                                                  Votre ami, Félix Leclerc

Non seulement il avait lu mon texte; il m’avait écrit, et se disait mon ami! Sur l’enveloppe, mon nom était précédé d’un « Mademoiselle ». Félix Leclerc me vouvoyait! En fallait-il davantage? Il devenait le parrain de l’écrivaine que j’allais devenir. En le respectant, lui, je respectais les lieux qu’il habitait et aimait. Et en retour je devenais vaudreuilloise de cœur.

                                        Moi, mes souliers ont beaucoup voyagé

                                        Sur mes souliers y a de l’eau des rochers
                                        D’la boue des champs et des pleurs de femmes

Combien d’arbres par habitant? Je ne saurais dire, mais Vaudreuil verdit au printemps et se dore à l’automne. Vaudreuil… feuilles; Soulanges… anges.

C’était toujours avec un respect ému et quelques larmes d’émotion que – pendant le demi-siècle suivant — je parcourais ces lieux, à l’occasion.

Pourquoi les motifs du cœur n’auraient-ils pas autant de valeur que ceux de la raison?

                                        S’ils ont marché pour trouver le débouché
                                        S’ils ont traîné de village en village
                                        Suis pas rendu plus loin qu’à mon lever
                                        Mais devenu plus sage

                                                                 ***

Puis vint un jour où, après 30 années passées en Chine, il me fallut – Covid fecit — revenir définitivement au Canada. Je m’entendis alors proposer la RPA Lilo. Ce nom ne me disait absolument rien. Mais quand j’appris que Lilo se trouvait au cœur de Vaudreuil-Soulanges, j’acquiesçai sans hésitation.

Je serais dans le comté au nom mélodieux des feuilles et des anges

Je verrais le paysage se mordorer de cuivre et d’or en automne…

Je m’y faufilerais, à l’abri des maux du monde.

                                      Non, mes souliers n’ont pas foulé Athènes
                                      Moi, mes souliers ont préféré les plaines
                                      Quand mes souliers iront dans les musées
                                      Ce sera pour s’y accrocher

Il y avait dans ce nom – Terrasse Vaudreuil — bien des souvenirs amalgamés qui me rendaient les lieux accueillants et chaleureux. Déjà depuis les années 1990, quand je revenais de Chine vers le Québec, je n’avais d’autre demeure que celle de ma fille qui me logeait généreusement.

Mais plus encore : mes si chères petites-filles jumelles Sarah et Florence, venues en Chine plusieurs fois depuis leur naissance! J’avais à peine déposé mes valises que j’entendais, dehors, les jeunes voisines Valou, Catherine, Pamela, Tania, s’entravertir : « Nonna est arrivée! Venez, elle va nous raconter des histoires! » Elles croyaient que Nonna (grand-maman) était mon nom. Je revois encore leurs minois éblouis, leurs yeux surpris, leur candeur enfantine…

                                                                ***

En été 2022, j’ai eu l’insigne plaisir de faire partie de la caravane invitée à visiter les quatre municipalités de l’ile Perrot en compagnie de guides cinq-étoiles, particulièrement Lise Chartier. Que de souvenirs émouvants! Que de découvertes!

                                                                 ***

Depuis plus de deux ans aujourd’hui que je vis dans Vaudreuil-Soulanges, j’y ai une vie communautaire très chaleureuse et active. Est-ce la concurrence entre les municipalités qui les rend si entreprenantes, en particulier dans le domaine culturel qui me tient à cœur?

Par ailleurs, les commerçants dans tous les domaines nous donnent toujours l’impression d’être « de la famille » plus que des « clients ». Au début, je croyais devoir me refaire un milieu de vie, mais j’ai tout de suite reçu un accueil personnalisé et chaleureux. On se sent « chez soi » dans Vaudreuil-Soulanges.

… Et encore, quand j’ai fait une chute sur la glace à l’angle du Boulevard Don-Quichotte et de notre Résidence, et qu’un automobiliste s’est arrêté pour me porter secours, c’était à L’Ile-Perrot…

… Et quand j’admirais un poirier bien garni lors d’une promenade, et qu’un propriétaire est sorti m’inviter à cueillir les plus beaux fruits sur la branche plutôt que de ramasser les poires tombées, c’était à Terrasse-Vaudreuil.

… Et lorsque j’attendais un bus à l’arrêt « final » de sa ligne, et qu’une dame en voiture s’est arrêtée pour me dire que j’attendais en vain et offrir de me conduire au bon arrêt, c’était à Dorion.

… Et encore et encore…

Oui, c’est en effet à cause de Félix et pour des raisons sentimentales que je me suis accrochée à Vaudreuil-Soulanges, mais aussi grâce aux faits et gestes des citoyens. Pourquoi ces raisons ne seraient-elles pas aussi valables que les motifs économiques et sociaux, qui, eux, varient comme feuilles au vent?

Jamais je ne regretterai mon choix, c’est certain!