Guillaume Pimparé (+19)

Coteau-du-Lac

Je t’aime Vaudreuil-Soulanges

Avec lui, j’ai sillonné incessamment les rangs de campagne soulangeoise.

D’une fête par ici et d’un service par là ; toujours une commission de plus avant un souper des pompiers, un jeune à reconduire à sa pratique de hockey ou une requête des élus juste avant une rencontre des marguilliers.

Il avançait toujours droit. Toujours devant. La main tendue vers son prochain, me laissant toujours un pas derrière. Trop petit pour combler les traces de ses enjambées.

Le vent du suroît battait violemment sur sa tombe fraîchement renflouée de ta terre. Les parapluies avaient peine à nous protéger de tes larmes, nos habits souillés de tes pleurs égoïstes.

Tu crois en être peiné ?

Tu crois mériter cette crise tonitruante de tonnerres ?

Toi, à qui il a tout donné.

Toi, à qui il a tout consacré.

Toi qui me l’a volé pendant toutes ces années.

Sais-tu comment il est parti ? Ne l’as tu pas même réalisé ?

C’est les deux pieds dans ta terre qu’il est parti ; encore à te labourer comme il n’avait cessé de le vanter.

Pendant des années, de la même bêche qu’il avait tant serrée, j’ai essayé de subvenir. Essayé de faire subsister cette trace pour laquelle il m’avait sacrifié, mes faibles mains peinant à retourner ta terre.

Comment y arrivait-il ? Comment pouvait-il être conseiller, entraîneur au hockey, bénévole chez les pompiers et homme à tout faire de tous les quartiers ? Tout ça en maintenant la ferme ?

Tant de gens qu’il a épanouis en ton sein, tant de temps investi chez toi, comment en a-t-il oublié son foyer ?

De pas en pas, j’ai tenté de suivre sa trace, mais mes pieds fatigués, blessés et découragés de ne voir en toi que mes échecs, ne m’ont mené qu’à tes flots.

Ton fleuve rageait. Peut-être avais-tu senti mes intentions?

Hors de mes souliers, j’attendais la poussée. Au bout du rocher, mon regard se perdait dans la valse de tes remous.

Quand soudain, à travers les flux de l’écume, un trou sembla se former.

De tes eaux m’apparut une petite scénette limpide. Lentement, le monde autour de moi sembla s’estomper, se délaver doucement. Jusqu’à ce que, seul, je reste debout dans notre champ.

Je vois mon père, bien vivant, agenouillé, dos à moi, la main pleine de terre.

Tu sais, la terre c’est la vie mon fils. C’est elle qui nous permet de vivre ; c’est elle qui bâtit qui on est.

C’est sur cette terre que tu vas vivre une belle vie. Une vie qui te conviendra et qui permettra à d’autres d’y grandir.

C’est pour ça qu’on en prend soin, mon fils. On a pas besoin d’être bon, mais il faut que ça vienne du cœur. J’en prends soin pour toi et pour tous ceux qu’elle fera profiter de la vie.

Je t’aime mon fils. »

Recraché doucement sur la berge, je m’agrippe à ton rivage, le soleil de l’aube reflétant ta grandeur.

Alors que ta terre s’imprègne de mes larmes, Vaudreuil-Soulanges, je ne peux m’empêcher de te dire :

Merci, papa.